La colère de Macron face à ses ministres, une menace à peine voilée avant 2022

Juin 25, 2021 | Médias

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Le président de la République a rappelé ses troupes à l’ordre lors d’un Conseil des ministres houleux alors que les esprits s’échauffent à un an des législatives. La course aux investitures est ouverte.

Ce n’est pas une petite phrase comme ça, lâchée en préambule d’un Conseil des ministres. Ce n’est pas une simple colère. C’est en fait bien plus que ça. C’est Emmanuel Macron se projetant vers la présidentielle et demandant : est-ce que tout le monde est bien derrière moi ? C’est Emmanuel Macron tentant de tuer dans l’œuf toute tentative de fronde. Parce que, pour certains, il y a des raisons de commencer à douter de leur volonté de partir dans l’aventure Macron 2022 quoi qu’il en coûte.

Les faits ? Mercredi, le chef de l’Etat entre dans une salle du Conseil des ministres en pleine ébullition. Gérald Darmanin et Eric Dupond-Moretti viennent de s’écharper, comme l’a raconté Libération. Le second reprochant au premier sa «trahison» pour avoir félicité chaleureusement son «ami» Xavier Bertrand pour son score au premier tour des régionales dans les Hauts-de-France.

Dans un autre coin de la pièce, la ministre du Travail Elisabeth Borne s’est emportée devant la ministre de l’Ecologie Barbara Pompili. En cause, un tweet du mouvement En commun ! co-fondé au sein de LREM par Pompili, se félicitant de la «sage» décision du Conseil d’Etat de suspendre la réforme de l’assurance chômage. «C’est dingue, c’est incroyable de voir ça», s’emporte Borne. Réponse de Pompili : «C’est pas moi qui tiens le compte Twitter.»

L’obsession de l’investiture

Dans cette ambiance tendue où volent les accusations de double-jeu, le chef de l’Etat s’assoit. Et dans son propos liminaire, il s’emporte, lui aussi. En l’occurrence, il choisit de viser spécifiquement le tweet d’En commun ! qu’il qualifie de «déloyal et incorrect». Et puis, il élargit le propos. L’équipe doit être «collégiale», martèle Macron. «Le tweet est franchement très maladroit et encore je pèse mes mots. On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre», décrypte un conseiller du Président.

Le beurre et l’argent du beurre ? Derrière cette réflexion, se cache en fait une menace que personne n’ignore au sein de LREM. Et pour cause, la présidentielle, et donc les législatives, approchant, les députés n’ont qu’une idée en tête, leur investiture. Parlant d’En commun ! (parti co-créé par le chiraquien Hugues Renson, l’écolo Barbara Pompili et le socialiste Jacques Maire pour faire vivre des idées écolos et sociales au sein de la majorité, et qui multiplie les prises de positions à l’encontre des décisions gouvernementales), un député lâche : «Ils vont tous être balayés des prochaines investitures.»

«On porte des convictions sur le fond, à l’intérieur de la majorité. On est dans la contribution, pas la rétribution», se défend Hugues Renson, qui rappelle : «Macron disait en son temps qu’il n’était l’obligé de personne. Seul compte le débat d’idées. Il a toujours été fidèle à ce principe. Nous aussi. La loyauté n’exclut pas le débat.» Barbara Pompili affirme même qu’En commun ! ne serait là que pour servir LREM. «En Commun ! est censé servir à parler à une partie de cet électorat de centre-gauche qui a voté Emmanuel Macron. Cet électorat-là n’a pas envie de revenir vers une gauche jugée trop extrême. Il n’attend qu’un signe de nous», explique la ministre de la Transition écologique.

Effets dévastateurs de la fronde

Le problème, c’est que Macron tient à orchestrer lui-même la polyphonie qui doit permettre de parler à tous les électorats. Sa relation avec François Bayrou tout au long du quinquennat en est la preuve. Ce n’est pas parce qu’on est l’allié du président qu’on obtient ce qu’on réclame. Encore moins quand on pèse si peu qu’En commun ! «Le président a été en première ligne pour voir les effets dévastateurs de la fronde sur François Hollande. Il ne laissera donc pas un millimètre de fronde dépasser dans sa majorité», lâche le conseiller d’un ministre de poids.

«Le coup de pression qu’il met sur l’assurance chômage, c’est un prétexte. Il lance en fait un avertissement à tous ceux qui font les cakes», affirme un député LREM très bien informé. Et c’est là que revoilà Darmanin !

Dans le viseur du chef de l’Etat, il y a bien tous ceux «qui se ménagent une porte de sortie», explique ce député du premier cercle macroniste. Qui développe : «Les comportements d’auto-entrepeneurs à la

mémoire courte de certains au gouvernement, ça commence à sérieusement agacer. Ils ont tendance à oublier ce qu’ils doivent à Macron.» Et Macron, justement, compte bien le leur rappeler.

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