Au boulot

Juil 29, 2021 | Médias

Matthieu Deprieck – Copyright 2021 L’Opinion All Rights Reserved

Dans son adresse aux Français, le 12 juillet dernier, Emmanuel Macron s’est engagé à ce qu’un travailleur gagne toujours plus qu’une personne qui reste chez elle. La maire de Paris Anne Hidalgo, elle, a esquissé son projet présidentiel en insistant sur l’importance du travail et d’une meilleure rémunération.

Ce sont deux phrases prononcées le même jour, le 12 juillet, à quelques heures et centaines de kilomètres d’intervalle. D’abord, Anne Hidalgo, à Villeurbanne : « Voilà le temps du “travailler mieux pour vivre mieux” ». Ensuite, Emmanuel Macron, à Paris : « En France, on doit toujours bien mieux gagner sa vie en travaillant qu’en restant chez soi ». Les deux ont quelque chose du Nicolas Sarkozy de 2007, candidat triomphant à l’élection présidentielle par quelques idées martelées dans des formules simples, un « parler vrai » pour toucher la France qui travaille.

« Travailler mieux pour vivre mieux », a résumé Anne Hidalgo, dans une référence implicite au « travailler plus pour gagner plus » du candidat Sarkozy, qui fustigeait lui-même « l’assistanat », repris, avec ses mots, par Emmanuel Macron. Ce jeu de trois a fait lever quelques sourcils, de surprise chez les socialistes, d’étonnement chez les marcheurs. « J’aimerais bien savoir à quelle situation le Président fait référence quand il dit qu’un chômeur gagne plus qu’un travailleur », s’étrangle un de ses soutiens.

Défrichage. « Il faut casser les codes et dire les choses telles qu’elles sont, encourage le porte-parole de La République en marche, le député Roland Lescure. En campagne, Nicolas Sarkozy parlait sans circonvolution mais Emmanuel Macron, dès 2016, aussi. » La macronie en est persuadée : la présidentielle se jouera en partie sur la question du travail, et plus particulièrement sur les sujets de revenus et de pouvoir d’achat. « Ce n’est pas une découverte pour nous, assure Roland Lescure, par ailleurs président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. Déjà, en décembre 2018, au début du mouvement des Gilets jaunes, nous avions accéléré la revalorisation de la prime d’activité pour réduire l’écart avec les revenus tirés de l’inactivité. »

Si l’actuelle majorité sait qu’elle devra mettre le paquet sur le sujet pendant la campagne présidentielle, elle n’est pour l’instant pas très avancée sur les idées qu’elle entend porter. Dans le cadre de son dispositif de

« causes » (remontées par les adhérents) et de « coalitions » (synthétisées par des experts et des élus marcheurs), La République en marche en est encore au défrichage. Tous les quinze jours, une douzaine de personnes se réunit autour de Carole Grandjean, députée LREM de Meurthe-et-Moselle, ancienne DRH, pour brainstormer. « Le fil conducteur reste qu’un Français doit gagner suffisamment pour vivre de son travail. Nous réfléchissons notamment à améliorer la participation des salariés aux bénéfices de leur entreprise », confie Carole Grandjean. Les premières propositions sont attendues pour la rentrée politique de LREM, à Avignon les 2 et 3 octobre.

« A la création d’En Marche, sa charte comptait quatre valeurs : la liberté, l’Europe, la bienveillance et le travail »

« Nous tracerons des perspectives, promet le numéro un du parti présidentiel, Stanislas Guerini. Le travail doit payer. C’est une valeur très forte chez nos militants. A la création d’En Marche, sa charte comptait quatre valeurs : la liberté, l’Europe, la bienveillance et le travail. » Le délégué général de LREM porte toujours sa proposition de « banque du temps », qui permettrait à tous les salariés d’ajuster la durée de leur temps de travail en fonction des événements de leur vie.

Fondamentaux. La majorité présidentielle sera attendue par la droite sur ce terrain, par la gauche aussi, si tant est que celle-ci soit représentée en 2022 par Anne Hidalgo. La maire de Paris a fait du travail un axe majeur de son futur projet, esquissé à Villeurbanne le 12 juillet. « Par où commencer ? Par le travail », a-t-elle répondu devant les élus locaux venus la soutenir. Le mot « travail » a été répété vingt-six fois dans son discours, essentiellement sous l’angle d’une meilleure rémunération. « Comment justifier que ceux qui ont continué à travailler au plus fort de la crise, qui ont dû prendre le risque de tomber malade, qui ont dû faire

garder leurs enfants comme ils pouvaient, qui ont dû faire face à des faillites, à des difficultés financières, continuent à recevoir aussi peu pour leur travail », a lancé celle qui fut inspectrice du travail.

Anne Hidalgo entame ainsi sa campagne en soulignant le mot « social » dans le couple qu’il forme désormais avec l’écologie. Cela peut paraître banal pour une future candidate socialiste. Ce serait oublier que le sort de la planète, « la fin du monde », a supplanté ces dernières années « la fin du mois » dans la gauche française. La maire de Paris revient aux fondamentaux du socialisme et se démarque des écologistes. Ce mouvement parlera à Fabien Roussel, décidé à porter les couleurs du PCF lors de la prochaine campagne présidentielle, avec un discours lui aussi plus traditionnel pour les communistes : plus de soutien aux travailleurs, moins à l’écologie, essentiellement vue comme un moyen de créer des emplois.

« Je pense que la présidentielle se jouera sur le projet social : comment se relever ensemble ? La question de la cohésion sociale est la priorité absolue », avance le député LREM de Paris, Hugues Renson. En Commun, parti qu’il a fondé avec Barbara Pompili et Jacques Maire, a récemment reçu le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger pour « repenser le monde du travail ». Là aussi, des idées devraient être présentées à la rentrée de septembre. C’est certain, après quelques semaines de vacances, tous les partis politiques se mettront au boulot.

Le président Emmanuel Macron, a visité l’usine CAF de Bagnères De Bigorre, le 16 juillet 2021. Sipa Press

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