La présentation du projet de loi contre le « séparatisme » en conseil des ministres

Déc 7, 2020 | Médias

La présentation du projet de loi contre le « séparatisme » en conseil des ministres est un nouvel
épisode de l’offensive régalienne de la majorité. Son aile gauche s’inquiète d’un basculement à droite mais elle est trop peu structurée pour peser, à l’image de ses deux têtes de pont, Territoires de progrès et En commun. «Territoires de progrès» et «En commun», les Dupond et Dupont de la macronie de gauche

La majorité penche trop à droite. Gérald Darmanin va trop loin. Nos électeurs de 2017 fuient vers les écolos. Les marcheurs de gauche n’ont jamais autant pleuré sur le lait renversé. Réagissent-ils pour autant ? « L’aile gauche est trop divisée pour être influente », constate, amer, un député LREM. L’arrivée prochaine du projet de loi contre le séparatisme à l’Assemblée en apporte une nouvelle preuve.

Le mois dernier, le courant En commun, fondé par le député LREM des Hauts-de-Seine Jacques Maire, le vice-président de l’Assemblée Hugues Renson et la ministre de la transition écologique, Barbara Pompili, a auditionné les responsables de l’Observatoire de la laïcité, Jean-Louis Bianco et Nicolas Cadène. La semaine prochaine, Sacha Houlié, député de l’aile gauche mais pas membre d’En commun, recevra les deux mêmes.

La « maison commune » phosphore à tous les étages. Territoires de progrès, initiative parrainée, elle, par les ministres Olivier Dussopt et Jean-Yves Le Drian, a installé des groupes de travail pour intervenir sur le projet de loi Séparatisme et fait parvenir à Emmanuel Macron une note de réflexion. Les députés d’En commun préparent aussi, entre eux, l’examen attendu pour le début de l’année 2021.

Député LREM des Bouches-du-Rhône, Jean-Marc Zulesi appartient à ces deux tentatives de structuration de la macronie de gauche : « Ces deux instances gagneraient à être fusionnées. Je vois mal aujourd’hui la place qu’ils occupent dans la majorité, les arbitrages qu’ils parviennent à obtenir. »

Si l’on jouait aux sept différences entre les deux, on aurait bien du mal à boucler la partie. La première tient à la nature de ses membres. En commun s’appuie sur une cinquantaine de députés, Territoires de progrès met en avant la présence de neuf membres du gouvernement. « En commun est dans un rapport de force au groupe LREM à l’Assemblée, pas nous, explique un ministre. Nous ne voulons pas subir des accusations de jouer la division. »

Poil à gratter. « Il faut construire un nouveau rapport de force. Ce n’est pas emmerder le monde que de dire cela », assume Jacques Maire qui, après avoir assisté aux premières réunions de Territoires de progrès, a contribué à la création d’En Commun. « Ce qui nous rassemble est infiniment plus important que ce qui pourrait nous diviser, poursuit-il. Mais la démarche de Territoires de progrès est d’afficher une couleur existante dans la majorité. La nôtre, c’est de parler aux Français, qui se sont éloignés de nous ou de la politique. » « Nous ne sommes ni une organisation autorisée, ni un rassemblement d’élus ou de notables, ni une chapelle d’anciens PS », ajoute Hugues Renson.

Il y aurait donc, d’un côté, un « poil à gratter » tourné vers la société civile (En Commun), et de l’autre, un « parti social-démocrate assumé » (Territoires de progrès). A gauche, une défense de l’écologie, du renouvellement de la démocratie et de la solidarité (En commun) et à l’autre gauche, la promotion de la laïcité, la construction européenne et la démocratie sociale (Territoires de progrès). Le sketch des Inconnus sur « le bon et le mauvais chasseur » n’est pas loin…

Le match entre les deux ne se joue donc pas intégralement sur le fond. C’est aussi un affrontement de stratégie avec, à la clé, un local mis à disposition dans la « maison commune ». Territoires de progrès vient de signer le bail : la direction nationale de La République en marche le considère comme « partenaire de discussion », au même titre que le MoDem et Agir. Ses représentants seront intégrés à la composition des listes, promet Florent Boudié, chargé de préparer les régionales pour LREM.

Cette « maison commune », Hugues Renson ne voit pas bien ce qu’elle est : « On en parle beaucoup mais elle n’existe pas encore. En commun existe. Et nous n’avons demandé l’autorisation à personne. Donc s’ils veulent que nous y participions, nous en discuterons. Ce qui nous guide, c’est l’intérêt du pays, pas l’organisation de la majorité. »

Retour vers le futur. Les autres députés LREM venus de la gauche, non-membres de ces deux partis, regardent cette concurrence sans la comprendre. « Pèsent-ils aujourd’hui sur la ligne politique ? Non », tranche l’un d’eux. Lors du vote de la proposition de loi Sécurité globale, ni l’un, ni l’autre n’ont voté d’un bloc. Aucun amendement labellisé Territoires de progrès ou En commun n’a vu le jour. Ils signent en revanche des tribunes et des communiqués de presse, parfois sur le même sujet, avec la même position. Ainsi ont-ils tous les deux proposé le démantèlement de l’Inspection générale de la police (IGPN) au profit d’une autorité indépendante.

Dès lors, pourquoi ne pas fusionner ? Barbara Pompili et le délégué général de Territoires de progrès – par ailleurs chroniqueur de l’Opinion – Gilles Savary ont convenu de se voir dans les prochaines semaines. « Territoires de progrès se définit comme la social-démocratie réformiste, je n’y ai pas ma place », estime Hugues Renson, fondateur d’En Commun.

Comme au bon vieux temps du PS, une même famille politique se divise. Pile ce qu’a pensé le député LREM de Gironde, Florent Boudié, lorsqu’il a vu qu’En commun organisait son université d’été une semaine avant la rentrée politique de La République en marche : « On aurait dit le Nouveau parti socialiste (NPS) de Benoît Hamon à Fouras, le week-end avant La Rochelle. »

Olivier Dussopt, Jean-Yves Le Drian (Territoires de progrès), Barbara Pompili et Hugues Renson (En Commun).

Sipa Press

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Matthieu Deprieck